Singiti•Congo 

Reconnaître une sculpture masculine Sengiti: 
la représentation des oreilles, des lèvres charnues, du nez fin et aquilin légèrement pincé à l’arête axiale marquée, des yeux en amande entrouverts et des arcades sourcilières fines, comme le collier de barbe et le diadème enserrant la coiffure quadrilobée.

L’importance de la pérennité du lignage est également matérialisée symboliquement par la zone ombilicale particulièrement proéminente. Évocation manifeste du lien ontologique avec les ancêtres, la région ombilicale, souvent mise en évidence dans les arts d’Afrique subsaharienne, est encadrée par les mains aux paumes tournées vers le ciel en signe de protection. Cette partie ventrale à l’ombilic saillant symbolise le centre vital du clan - le terme ventre et clan étant synonymes en kihemba. Les barbes et les diadèmes constituent enfin des signes d’autorité et la médiation avec les ancêtres est évoquée par les yeux mi-clos, ouverts à la fois sur un monde intérieur et extérieur.

Majestueuse et sereine, cette imposante statue masculine se rattache aux grandes figures d'ancêtres des Hemba. Chef-d'œuvre d'un corpus restreint, cette effigie fut attribuée aux prestigieux ateliers des Niembo de la Luika, un groupe établi dans la région de la rivière Luika au centre du pays hemba.

Les figures d’ancêtres des Hemba : commémorer les chefs défunts et légitimer le pouvoir

Majestueuse et sereine, cette imposante statue masculine se rattache aux grandes figures d’ancêtres des Hemba, établis au sud-est de la République démocratique du Congo, dans une région s’étendant du fleuve Congo au lac Tanganyika.

Une grande douceur et une puissante paix intérieure émanent de ces figures ancestrales désignées par le terme générique lusingiti (sg. singiti) en kihemba. Longtemps associées stylistiquement aux productions de leurs voisins Luba, ces sculptures emblématiques furent créées pour commémorer les ancêtres fondateurs de segments de lignages, des chefs défunts « aux yeux ouverts sur un autre monde » qu’on honorait à travers ces portraits idéalisés. Malgré les rares témoignages disponibles sur l’usage et le contexte de ces sculptures, certains noms de chefs liés à ces figures d’ancêtres nous sont aujourd’hui parvenus.

Figures de médiation entre le monde des vivants et des ancêtres, ces effigies étaient généralement taillées dans du Chlorophora excelsa, un arbre souvent planté au centre du village pour honorer la mémoire des ancêtres, garants de la prospérité des vivants. Comme le souligne Constantin Petridis « les lusingiti devenaient actifs grâce à l’imprégnation de la force ou énergie vitale du chef dont ils aidaient à préserver la mémoire. En tant que tels, les portraits commémoratifs de ces figures d’ancêtres ne représentaient pas leur sujet. Ils les rendaient présents et, ainsi, leur permettaient d’influer sur la vie de leurs descendants ». Comme l’a écrit Werner Schmalenbach, ces statues, qui se situent « toujours dans un champ de tension compris entre représentation et « incarnation », […] ne sont pas la simple représentation de tel ou tel être, ils « sont » cet être ».

Nombreux sont les auteurs à avoir souligné la vie secrète de ces effigies lusingiti définies comme des « création[s] spirituelle[s] qui réside[nt] entièrement dans l’autre monde ». N’apparaissant qu’exceptionnellement en public, ces sculptures - parfois plus d’une vingtaine - étaient conservées à l’abri des regards dans la maison du chef de famille ou dans une petite case qui leur était consacrée, sorte de sanctuaire funéraire édifié devant l’habitation du chef. Dans ces demeures secrètes reposaient également des ossements de chefs défunts. Ces reliques ancestrales associées aux statues qui honoraient la mémoire des chefs constituaient des supports de transmission généalogique et par extension de légitimation du pouvoir et de possession des terres. Plus le nombre de statues possédées par un chef était important, plus sa renommée et l’ancienneté du lignage étaient garanties. Selon François Neyt, « ces effigies faisaient partie d’un culte fondé à la fois sur la notion de survie et sur un système de parenté. Chaque ancêtre [était] compté, situé dans le temps, et conf[érait] à son propriétaire un chaînon, un arbre généalogique précis relatant l’histoire de sa famille et surtout l’autorité de celle-ci sur les terres occupées. »

 
Archétypes et influences
Généralement représentées debout, parfois assises et tenant des insignes de pouvoir, ces statues d'ancêtres masculines se caractérisent par des visages méditatifs, des proportions équilibrées, des épaules robustes et rondes, une poitrine légèrement saillante et un cou puissant, parfois annelé. Les volumes pleins et épanouis, traités tout en douceur, concourent à cette impression si particulière de sérénité, de force introspective et de noblesse qui se dégage de ces œuvres. Longtemps considérée comme une variante stylistique des productions sculpturales des Luba orientaux, la statuaire des Hemba n’en demeure pas moins autonome, même si l’influence luba est incontestable. Elle présente également des liens stylistiques, culturels et cultuels avec les Songye, les Tabwa, les Boyo et les populations dites « pré-Bembe » établies dans la région du Lac Tanganyika.


  Bibliographie: www.collection-lacharriere.quaibranly.fr

Le coup de ♡ d'Aurore 


 

Informations.

Dimension 
Info  finXIXe
Provenance collection privée 
Condition Excellent état + document
Prix €5.600

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